Auteur M.LALAU Jean-Daniel Pr-Médecin nutritionniste

Fontaine, je ne boirai pas de ton eau

Les lignes de force sont ici considérables. En présence : l’État (à ma droite ou à ma gauche, selon le verdict des urnes), et le secteur privé, lequel ne se prive pas d’offensives. Quand on voit par exemple le combat quasi titanesque qu’il a déjà fallu mener pour faire implanter des fontaines d’eau dans les écoles, et résister ainsi à l’exclusive des distributeurs de sodas ; on se demande s’il est vraiment possible de faire des changements de plus grande ampleur.

Je n’ose même pas imaginer le coût des mesures qu’il faudrait prendre pour que les adolescents consomment régulièrement des légumes…

La « coca-colisation » du monde et des environs du monde

Quand on voit aussi combien nombreux sont les grands événements publics et les grandes manifestations sportives organisés dans le monde, ou à tout le moins sponsorisés, par des limonadiers ou des cigarettiers ; on se demande encore s’il est possible de lutter à armes égales.

Quand on ajoute que les États touchent des taxes sur le commerce de produits pouvant exercer des effets toxiques (le tabac, l’alcool, etc.), et dépensent dans le même temps des sommes folles pour le traitement des maladies induites par ces mêmes produits ; là, on peut se dire que l’on marche véritablement sur la tête.

Pour caricaturer les choses : la grosse artillerie d’un côté ; et sus aux problèmes de santé de l’autre, mais avec un pistolet à bouchon.

Des sous ? Des clous !

Quand on voit encore que les promotions de médicaments faites par les firmes pharmaceutiques concernent surtout les produits les plus onéreux — à la charge au bout du compte de la collectivité via les remboursements — ; que des produits doués d’une grande efficacité mais anciens et peu chers ne sont, eux, plus promus ; qu’un fabricant a retiré du marché un nouveau médicament antidiabétique parce que le prix de vente « négocié » avec les autorités a été jugé insuffisant, au regard du coût du développement du produit(1) ; on ne peut pas ne pas faire le constat d’une difficile conciliation entre les intérêts privés et les intérêts publics.

Un exemple ne montre rien

Mais plusieurs si, et je pourrais multiplier ici les exemples à l’envi. Dans le même temps, je me dis que je suis en train d’enfoncer des portes ouvertes. Car soyons lucides à nouveau : par la force des choses, et par sa force précisément, l’argent domine et dominera toujours le monde — n’en déplaise à ceux qui voudraient ériger des remparts pour endiguer les assauts du « monde de la finance ».

Soyons responsables, en définitive, et posons plutôt le problème en ces termes : mais comment orienter convenablement les flux d’argent pour améliorer de façon effective un état sanitaire ? Mieux : pour une efficience (c’est-à-dire avec un rapport coût/efficacité optimal) ?

Lueur d’espoir

À ce stade, on pourrait se dire que l’argent commande tout ; et que quand on n’en a pas, ou quand on n’en a plus, il ne peut plus se passer grand-chose, sinon une circularité négative.

Mais, heureusement, tout n’est pas soluble dans les grands flux financiers. Il a ainsi été évalué, en son temps, que la mesure préventive la plus efficace menée contre le tabagisme n’était pas le déploiement d’un programme de santé lourd et coûteux, finançant notamment des postes d’éducateurs pour la santé, mais une seconde du temps de médecins généralistes, quand ils ponctuaient les consultations de leurs consultants fumeurs, quel qu’en ait été le motif, par cette interrogation : « À propos, vous fumez toujours » ?